Je ne suis pas très douée pour m'exprimer quand quelque chose tourne mal. A la mort de chacun de mes rats, j'annonce les faits, mais ne m'étends pas outre-mesure, peut-être parce-que je n'ai vécu que des décès soudains jusque-là, qui ne m'ont jamais laissé le temps d'appréhender la disparition d'un de mes protégés. Ou peut-être n'ai-je simplement pas le coeur à m'étendre, je ne sais pas.

Pourtant, lorsque j'ai retrouvé Babar dans un état lamentable après avoir entendus des cris de bagarre un peu plus virulents que d'habitude, ça a été une toute autre histoire. Comme si le fait qu'il vive encore me donnait une raison de souffrir avec lui.

C'était le 4 février.
Pourtant, lui, avait l'air d'aller plutôt bien malgré l'état de son visage. Mais comment ne pas réagir face à un tel carnage ?

Je l'avais bien évidemment tout de suite mis à l'écart, lui avais désinfecté sa plaie en attendant de voir le véto dès le lendemain matin. C'était sans compter qu'il s'est décidé d'un coup d'un seul de se ravaler la façade lui-même, histoire de bien terminer le travail.
C'est à ce moment-là que j'ai complètement cédé à la panique.

Je ne sais pas si je réussirai à de nouveau ré-expliquer ce qui s'est passé dans ma tête et dans les faits, je préfère donc copier/coller ce que j'ai partagé des 24h qui ont suivi avec l'un de mes amis, je pense que je ne saurais pas mieux, aujourd'hui, résumer la situation.
Comme tu l'as constaté, le véto ça a été. Effectivement j'étais mal... Je vais t'expliquer la scène : cette nuit je l'avais sur les genoux à essayer de le nettoyer et j'arrivais à rien. Dès que je touchais un truc ça pissait le sang, je vidais mes pipettes de sérum phy à la vitesse de la lumière sans réussir à dégager son oeil. Je le sentais pas bien, il couinait dès que je passais une compresse dessus, j'étais à bout de nerfs, avec le sentiment du culpabilité de l'avoir laissé s'automutiler sans faire attention, je m'en voulais tellement, je le voyais souffrir...et c'était moche tous ces muscles ensanglantés collés à sa petite tête... J'ai fini par laisser tomber de peur de faire pire que mieux, mais complètement terrorisée à l'idée que peut-être ce n'était pas le bon choix. Je tremblais, t'imagines même pas à quel point, je me suis mise à pleurer tellement je me sentais impuissante (et pourtant je pleure pas souvent).

En face de mon canapé y'a mon miroir plein pied sur le mur, et quand j'ai relevé la tête j'ai vu l'aperçu global de la boucherie... Y'avait du sang partout, j'en avais sur les mains, les avant bras, plein de t-shirt (il avait beau être rouge, tu voyais les taches plus sombres de partout), sur mon pantalon, sur la serviette de mes genoux, et comme j'essayais de me calmer et que j'essuyais mes larmes du revers de la main, je m'en étais mis plein la figure aussi. En gros, je vivais un remake du film Carrie un peu, avec mes cheveux décoiffés, pas maquillée, le teint tout vitreux de la fatigue et des nerfs qui lâchent .. Franchement c'était moche, pleine de sang PARTOUT, cette image m'a foutue encore plus mal, j'ai commencé à partir en bad, mais horrible.

Bon du coup, [aujourd'hui] je me sens beaucoup mieux, même si sur place j'ai failli me remettre à pleurer aussi. La véto m'a laissé le choix entre juste des antibios et laisser les croûtes tomber toute seules, mais avec le risque que ça s'infecte si j'ai pas bien nettoyé pendant la nuit, ou alors endormir le loulou au gaz et essayer de tout enlever pour refaire un nettoyage. Sachant que vu mon état de nerfs hier, j'étais même pas sure d'avoir bien nettoyé, et qu'on était pas sures que son oeil soit en bon état en dessous, j'ai opté pour la totale. Comme elle avait le temps on s'en est occupé tout de suite. On a déjà galéré à lui mettre le masque, puis ensuite, je devais le tenir pour que le masque reste en place donc j'ai assisté à tout : ramollir les croûtes puis les arracher (c'est violent comme truc !). Elle y arrivait pas bien et était même pas sur de réussir à en faire quelque chose, pendant un moment on s'est même dit que c'était pas la peine de le torturer davantage mais l'inconnue "oeil" nous a poussées à insister. Il dormait pas, il était juste assommé, et il a tellement eu mal sur certaines zones que même dans le gaz il couinait, mais l'horreur ! Finalement après 10 minutes la dernière masse est partie (en lui épilant la moitié du visage au passage) et là : surprise ! Son oeil allait bien, c'était bien de la chair, pas une mutilation de l'oeil directement. Elle a du couper des morceaux de chair pour que ça soit propre (il a du souffrir...), elle a désinfecté et hop, des points. Mais même ça  ça me faisait tellement mal au coeur de la voir passer une aiguille aussi épaisse sur de si petit bout de peau, parfois à un demi millimètre des yeux  bon, une fois fini, il s'est vite réveillé, là il comate encore un peu, il peut pas s'allonger avec la collerette sans s'étrangler donc j'ai sacrifié un t-shirt que j'ai mis en boule, du coup il pose sa tête dessus et ça va.
Aujourd'hui, Babar va mieux. Il retrouvera ses copains de cage ce week-end, au prochain nettoyage. Il a eu 10 jours d'antibiotiques, sa plaie ne s'est pas infectée, il pète la forme et son visage est même dans un état correct.

Je ferai de nouvelles photos de lui pour montrer à quel point la véto a fait un boulot génial : il n'y paraît plus grand chose !

En attendant, je suis constamment sur le qui-vive au moindre couinement dans les cages, comme si ce type d'incident était sur le point de me retomber sur le coin de la figure.

Babar est un combattant, il est fort, et m'a imposé le respect par sa sérénité alors que moi-même j'étais incapable de rester calme.

Je crois qu'ils nous surprendront toujours, même dans les pires moments.



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